Les mantras

Importance des mantras

 

Les mantras sont des supports de concentration bien particuliers. Leur existence et leur importance sont arrivées à la connaissance des occidentaux au fur et à mesure que ceux-ci découvraient les richesses de la spiritualité orientale. Et la prise de conscience de l’importance des mantras n’est pas le moindre des cadeaux qu’a permis ce rapprochement.

 

Pour les orientaux, le but de la vie est la libération spirituelle, c’est-à-dire la réalisation d’un état de fusion de l’âme individuelle avec l’Ame Universelle. Dans le contexte chrétien, ce serait l’équivalent de l’entrée dans le « Royaume de Dieu », la réalisation de l’état de sainteté, dans le contexte soufi, ce serait l’Homme de Lumière. L’état dans lequel se retrouve le libéré vivant (Jivan-Mukta ou Siddha) n’a rien à voir avec notre niveau de conscience habituel : si notre conscience habituelle nous donne accès à une réalité ordinaire, fragmentée, limitée, confuse, la conscience du Jivan-Mukta est toute imprégnée d’unité, de perfection, de beauté, d’amour et de puissance. Roberto Assagioli, l’un des chefs de file de la psychologie transpersonnelle (forme de psychologie qui admet l’existence d’une réalité supérieure à l’humain et qui en étudie l’influence sur toutes les dimensions de l’être) évoque ainsi cette conscience[1] : « On peut … se réjouir à l’avance en pressentant l’état de conscience de l’être qui a atteint la réalisation spirituelle. Cet état de conscience est caractérisé par la sérénité, la joie, un sens de sécurité profonde, de puissance intérieure, de compréhension éclairée et de rayonnement d’amour. Dans ses plus hauts aspects, c’est la réalisation de l’Etre essentiel, c’est la communion et l’identification avec la Vie Universelle.»

 

Or, selon Shri Ramakrishna[2], on peut distinguer cinq types de Jivan-Mukta : le libéré par inspiration reçue en rêve (svapna-siddha), le libéré arrivé par la voie d’un mantra (mantra-siddha), le libéré arrivé soudainement, comme s’enrichit un homme qui découvre un trésor (hathât- siddha), le libéré arrivé par la seule grâce de Dieu (krîpa-siddha) et enfin ceux qui ont toujours été parfaits (nitya-siddha). Il apparaît, dans cette classification, que les seuls libérés dont la libération ne dépend pas d’un « accident » (heureux accident, bien sûr) mais d’un travail, ont été ceux qui ont eu recours à un mantra. C’est dire l’importance que peuvent avoir ces supports de concentration. Si des gens aussi adonnés à la vie intérieure et aussi déterminés prêtent aux mantras une telle valeur, c’est qu’il y a derrière ces instruments une richesse qu’on ne saurait négliger quand on est à la recherche de moyens de transformation simples et efficaces.

Définition

Nous emprunterons  à André Padoux[3] la Belle définition qu’il donne des mantras : « Le mot mantra est fait sur la racine sanskrite man (« penser ») avec le suffixe tra servant à former les mots qui désignent des instruments ou des objets. Ce serait donc un instrument de pensée, mais d’une pensée spécialement intense et efficace, car porteuse de toute l’énergie de la parole. »

 

L’auteur de cette définition insiste d’emblée sur ce qui lui semble une caractéristique fondamentale des mantras, l’efficacité. Celle-ci est liée à une énergie, celle de la parole. Dans le contexte chrétien, cette puissance est attribuée, de manière analogue, au « Verbe ». On connaît du « Verbe » sa puissance créatrice.

 

Padoux continue de la sorte : « On pourrait définir les mantras, dans leur usage le plus général, comme des formules, syllabes ou sons, isolés ou groupés, pourvus ou dépourvus de sens littéral, qui représentent ou, plus exactement, qui sont la forme phonique, la plus haute et la plus puissante, de divinités ou d’entités naturelles ou surnaturelles et qui, par-là, sont chargés d’une efficacité considérable, utilisable, conformément à des règles précises, par ceux qui y sont habilités. »

 

L'auteur revient sur cette « efficacité considérable » des mantras et sur leur réalité profonde : ils ne sont pas la représentation d’une force, ils sont cette force même. Il dit bien que le mantra n'est pas une représentation de la divinité mais bien la réalité de la divinité, sa partie tangible, accessible. Si on compare une divinité, ou une force, à un iceberg, le mantra en est la partie émergée, visible. Ou plutôt, audible. C’est dire encore leur importance et leur caractère pratique. On n’est pas dans le domaine de la spéculation mentale, mais bien dans celui de jeux concrets de forces réelles.

 

Les mantras sont des instruments de contact avec une réalité d’un autre ordre. Ils sont des éléments placés plus haut que les pensées dans la hiérarchie de nos moyens de connaissance ; ils permettent donc une connaissance immédiate (sans médiateur) d’une réalité supérieure, alors que les pensées, qui ne sont que des médiateurs, ne peuvent nous offrir tout au plus que des représentations de cette réalité, comme la carte ne sera jamais autre chose que la représentation du territoire.

 

De son côté, Shrî Aurobindo donne du mantra cette définition[4] : « La théorie du mantra est que c’est un mot né des profondeurs secrètes de notre être où il a été couvé par une conscience plus profonde que la conscience mentale éveillée et enfin projeté au dehors, silencieusement ou par la voix – le mot silencieux considéré comme plus puissant peut-être que le mot parlé – précisément pour un but de création. Le mantra peut non seulement créer en nous-mêmes de nouveaux états subjectifs, modifier notre être psychique, révéler une connaissance ou des facultés que nous ne connaissions pas auparavant, il peut non seulement produire des résultats semblables dans d’autres esprits que celui qui le prononce, mais encore il peut produire dans l’atmosphère mentale et vitale des vibrations qui ont pour effet des actions et même l’apparition de formes matérielles sur le plan physique. L’emploi védique du mantra n’est qu’une utilisation consciente de cette puissance secrète du verbe. »

 

Nous retrouvons dans cette définition la référence à cette origine profonde du mantra, plus profonde que le mental. Le mantra est ici aussi considéré comme d’une autre nature que la pensée et son indiscutable puissance créatrice réaffirmée.

 

John Blofeld[5] relate les réponses que lui faisait un vieux sage : « Les mots chargé de sens sont tout juste bons pour l’usage ordinaire, car ils ne sont pas assez « puissants » et se mettent en travers de notre route comme des écueils pour faire chavirer le navire. Mais les mots chargés de puissance ne révèlent jamais leur vraie signification. Il est donc préférable de ne pas chercher cette signification et de rester libre d’esprit. » Il témoigne plus loin : « Un vieux moine, en réponse à ma question sur la source de quiétude et de sérénité représentée par les mantras, m’affirma que les sonorités permettent à l’esprit, d’une façon mystérieuse et par voie détournée, de saisir son affinité cachée avec le Tao, la Source de l’Etre.[6] »

 

Dans ce texte il est encore une fois fait mention de la puissance des mantras, qui ne fait absolument aucun doute à celui qui s’y est familiarisé. Et l’on les retrouve comme instruments de contact avec l’Etre Profond, la Source d’Unité en chacun.

 

Un mantra est donc un instrument simple de contact avec sa propre Essence. La pratique de la répétition d’un mantra est une technique simple et efficace de transformation. Cette technique est, comme nous le verrons, particulièrement adaptée à l’époque moderne.

 

Le japa-yoga

Le japa-yoga est une technique de base du yoga. Il consiste en la répétition comptabilisée d'un mantra, dans le but d'atteindre un but bien défini : un certain nombre de répétitions. Avec la répétition du mantra s’accumule l’énergie, la puissance du mantra.

 

La comptabilisation est un moyen d’évaluation de cette puissance. Une personne qui aurait répété dix millions de fois un mantra se différencie notablement d’une autre qui ne l’aurait fait que cent mille fois. Cette comptabilisation est aussi le moyen d’assurer un suivi et une régularité à sa pratique. Cette comptabilisation se fait au moyen d’un chapelet appelé un mala. Traditionnellement, les malas sont composés de 108 perles. Ce nombre est un nombre sacré, il correspond à neuf fois douze. Chaque pratiquant fixe lui-même (ou selon les indications de son maître) le nombre de répétitions quotidiennes qu’il s’engage à faire et, avec discipline et persévérance, se tient à son programme. Il note au jour le jour le résultat de son travail dans un cahier de japa.

Le japa-yoga est ainsi une discipline de vie intérieure simple mais exigeante qui permet à l’aspirant de progresser avec mesure sur la voie de sa transformation en s’appuyant sur la puissance des mots sacrés.           

 

Essai de compréhension du fonctionnement des mantras

  1. Pourquoi la répétition ?

 

La première question que se pose toute personne qui aborde le thème des mantras est le pourquoi de la répétition ; pourquoi tant de répétitions ? Quelle est la raison qui pousse à un travail aussi apparemment monotone ?

 

Il semblerait que la réponse à cette interrogation est que la répétition de petites impulsions est le moyen de vaincre l’inertie de la personnalité, celle particulièrement de l’inconscient. L’inconscient est inerte, il résiste au changement. Même si consciemment nous sommes intimement convaincus que nous devons opérer tel ou tel changement dans nos vies, l’inconscient va faire barrière à ce changement, il va mettre des bâtons dans les roues, il va offrir toutes sortes d’obstacles qui vont finalement étouffer toute transformation. Une personne qui veut se dédier à sa transformation ne peut pas sous-estimer cette réalité, au risque de voir se noyer dans cette inertie toutes ses prétentions au changement. Il en est de même pour l’inconscient collectif : dans une société, il y a aussi un ensemble de jeux de forces qui vont sans cesse, et de manière désespérante, s’opposer au changement. Ceci est une réalité qu’il faut reconnaître et prendre en considération. La répétition de petites impulsions est un moyen de vaincre cette difficulté. Prenons un exemple : Le vélo est retourné, nous faisons tourner la roue arrière à toute vitesse, le jeu consiste à freiner complètement cette roue avec la main. Nous ne pouvons pas procéder d’un seul coup, nous nous brûlerions la main. Il nous faut opérer par petits coups répétés. Une fois la roue arrêtée, si nous voulons la relancer à la main, il nous faudra aussi procéder par petits coups successifs, de plus en plus rapides pour donner à la roue sa plus grande vitesse de rotation.

 

Il en est de même pour tout ce qui a trait à nos vies. Des composants de notre personnalité sont inertes et vont systématiquement s’opposer au changement que pourtant nous souhaitons ardemment. C’est pour cela qu’ « enseigner, c’est répéter », qu’ « éduquer, c’est répéter », qu’ « apprendre, c’est répéter ». C’est pour cela que la pratique des mantras, qui consiste à introduire dans sa vie une force nouvelle de changement, est basée sur la répétition. Par la répétition incessante du mantra, le pratiquant se trouve lié à l'énergie du mantra qu'il assimile peu à peu.

 

  1. Les mantras, condensés d’énergies et d’informations.

 

Depuis toujours, ceux qui les connaissent d’expérience ont reconnu aux mantras une efficacité parfois considérable (inversement ceux qui n’en ont pas l’expérience n’ont évidemment rien perçu de cette efficacité). Il semble bien cependant que les explications de cette efficacité soient toujours restées floues, qu’on n’ait jamais disposé de moyens suffisants et convaincants pour expliquer le mode d’action des mantras.

 

L’époque actuelle offre peut-être de nouveaux moyens de compréhension de ce phénomène étrange mais bien intéressant que sont les mantras. Notre époque a vu l’apparition des sciences et techniques de l’information. La communication sous de nombreuses formes (téléphone portable, satellites, Internet…) a pris un essor considérable. En se fondant sur des analogies, on pourrait avancer que les mantras sont des condensés d’énergies et d’informations. Un mantra de guérison est chargé d’informations de guérison, que celui qui le répète assimile petit à petit, un mantra d’harmonisation est chargé d’informations harmonisantes, et ainsi de suite. Chaque mantra contient d’une part une ou des informations spécifiques, et d’autre part une certaine quantité d’énergie, une certaine force qui va promouvoir un changement, un mouvement. Ce serait pour cela que la sensation qu’éprouvent les pratiquants du japa-yoga est bien souvent, en fin de pratique, celle d’une force nouvelle, et d’une lumière nouvelle. Et toujours un enrichissement.

 

Tout se passe comme si le pratiquant était un ordinateur individuel branché sur « la Mémoire Centrale de l’Univers[7] », en réception, et recevant d’elle toutes les énergies dont il a besoin pour changer sa situation et toutes les informations dont il a besoin pour savoir comment la changer. Le pratiquant, en quelque sorte, fait « le plein ». Il télécharge des énergies et des informations, celles qui sont contenues dans le mantra qu’il répète. Il est en réception, en conscience « coupe », comme un fruit au soleil. Il ne fait rien. Il se contente d’être là et de recevoir. Il se soumet à l’influence du mantra. Et s’enrichit au fur et à mesure de sa pratique. Et se transforme, comme le fruit. C’est pour cela qu’on reconnaît aux mantras ce caractère magique : c’est parce qu’ils exercent bien une force, mais une force Yin.

 

On se souvient bien qu’un être vivant ne se nourrit pas que de substances (aliments, eau, air…). Nous avons vu qu’un être vivant ne fonctionnera bien que s’il alimente aussi son champ énergétique des énergies convenables et son organisation des informations adaptées. La pratique des mantras est ainsi une manière d’enrichir à la fois notre champ énergétique et notre organisation, de nous dynamiser, et de nous réorganiser. La pratique des mantras semble être un moyen simple d’optimiser notre fonctionnement individuel (et, par conséquent, collectif). On imagine que ce processus n’a pas de limite supérieure.

 

Personne actuellement n’achèterait un ordinateur qui n’aurait pas de possibilités de se connecter à Internet, qui n’aurait pas de modem. Un pratiquant du japa-yoga est quelqu’un qui exploite cette possibilité de se connecter avec une autre source d’énergies et d’informations que celle qu’offre la vie courante, dans une réalité bien ordinaire. C’est ce que voulait dire Shri Aurobindo quand il parlait de cette « conscience plus profonde que la conscience mentale éveillée ». C’est de cette conscience profonde ou supérieure que le pratiquant extrait « cette puissance secrète du verbe. »

 

  1. Le « Supramental».

 

La personnalité de l’être humain (ou ego) se compose de plusieurs constituants. Le plus évident est le corps physique. Mais il y a d’autres « corps ». Par analogie sémantique, on utilisera le terme de « corps » émotionnel, pour décrire le vaste monde de la vie émotionnelle et affective de l’être humain, ainsi que celui de « corps » mental pour faire référence au tout aussi vaste et agité monde de sa vie intellectuelle et mentale. Précisons qu’on entendra par « âme » ou « psyché » (selon qu’on préfère le latin ou le grec) l’ensemble de ces deux derniers corps, émotionnel et mental. Le corps physique est visible, tangible. Les corps émotionnel et mental ne le sont pas. La médecine s’occupe du premier, la psychologie et la psychiatrie des deux autres. Ces trois « corps » ne sont pas les seuls composants de la personnalité. Il en est un autre, dont s’occupe la sociologie : le corps social. Nous vivons dans le même monde, mais dans ce monde, chacun a le sien. Chacun a sa famille, son réseau de relations, ses « autres », sa maison, son chien… Tous ces éléments varient selon la personnalité de chacun. La personnalité est l’ensemble de ces quatre « corps ».

 

Les sages de toutes traditions insistent en permanence sur une donnée fondamentale : un être humain ne se résume pas à sa personnalité. Et la cause principale de souffrance des êtres humains est l’identification à leur personnalité. C’est-à-dire le fait de croire qu’on est cette personnalité, que l’être humain n’est que cela, une personnalité, avec ses différents composants. Cette croyance mène ainsi au culte de la personnalité, avec tous les déséquilibres et les souffrances que l’on sait. Les sages de toutes traditions invitent toujours à considérer que la personnalité, c’est ce que nous avons et non pas ce que nous sommes. C’est ce que nous avons comme instrument pour nous manifester dans ce monde. Ce que nous sommes est d’une autre nature que la personnalité. C’est ce que les traditions appellent l’Esprit, ou Moi Suprême, ou Soi, ou Brahman, ou Tao, ou Conscience Universelle, ou Maître Intérieur. L’invitation est toujours la même : nous identifier avec ce que nous sommes et non avec ce que nous avons. Investir plus sur le Réel (le Maître Intérieur) que sur l’illusoire (la personnalité), sous peine de patauger éternellement dans l’illusion d’une personnalité éphémère. L’être humain ne se limite pas à sa personnalité avec, par ordre de « densité » décroissante, le corps social, le corps physique, le corps émotionnel et le corps mental ; il y a aussi, au-dessus, et encore plus immatériels et diaphanes le ou les corps supérieurs, l’Essence même de l’être, le Supramental. Il y a tout lieu de penser que les mantras sont des instruments de contact avec ces plans supérieurs et qu’ils permettent justement l’infusion dans la personnalité de cette Chaleur (énergies) et de cette Lumière (informations) des plans supérieurs. Ils sont des instruments simples et efficaces de contact avec le Supramental. Ils sont donc un moyen habile et efficace d’exercer un contrôle à la fois sur le monde des idées (le mental) comme sur celui des émotions. Dans un monde qui souffre tant de l’hypertrophie du mental[8] (les idéologies, les confessions), les mantras sont un moyen simple de reprendre le contrôle sur les idées, de les shunter, de rééquilibrer la balance tête-cœur, intellect-sensibilité, Yang-Yin.

La répétition d'un mantra est un procédé souverain pour agir sur ses propres profondeurs, pour favoriser l'émergence des richesses cachées au fond et au sommet de son être. Les mantras permettent le contact entre le Maître Intérieur et la personnalité. Ils sont le baiser du Prince à La Belle endormie.

 

  1. Télécharger un monde nouveau

Prenons un exemple : les êtres humains aiment les voyages et ont besoin de transporter en permanence des quantités d’objets (nourriture, produits de toute nature…). Le déplacement et le transport sont importants pour eux. Mais cette question du transport a sa contrepartie : accidents, pollution, bruit, épuisement des réserves de combustible… Ce que nous connaissons actuellement du transport est un transport de type « Age de fer ». Les êtres humains sont contre le mur : dans moins d’un siècle, il n’y aura plus une goutte de pétrole. Il ne s’agit pas de renoncer au transport. Il s’agit pour eux d’élaborer, de mettre au point un transport de l’« Age d’or ».

 

Comment se présente un tel transport, sans accidents, sans pollution, sans épuisement des réserves naturelles ? Il se trouve que nous avons toutes les informations et les programmations de l’« Age de fer » en nous ; par contre, si nous voulons un « Age d’or », nous avons beau chercher, ces informations semblent ne pas exister en nous. Ou elles se sont perdues, ou elles ont été effacées. Toujours est-il que nous avons du mal à imaginer ce qu’est l’« Age d’or » du transport, et de la même manière ce qu’est celui de l’économie, celui de l’agroalimentaire, celui de la médecine, etc.

 

Pour résoudre des problèmes de ce genre, il va bien falloir que les êtres humains se connectent, maintenant qu’ils ont compris qu’il est possible de le faire, avec une source valable d’informations et d’énergies. Il va bien falloir qu’ils téléchargent leur monde nouveau, leur « Age d’or ». Il va bien falloir qu’individuellement ou collectivement il y ait des récepteurs humains qui soient correctement connectés à la « Mémoire Centrale de l’Univers », pour télécharger les énergies et les informations correspondant à ce qu’ils veulent vivre. Sinon d’où nous viendraient, d’où nous viendront les solutions ? Si c’est du Supramental dont il est question, les mantras seront les instruments parfaits pour remplir ce rôle de connexion.

 

 

Le Mantra Universel : le son mystique OM (ou AUM)

 

Le monosyllabe a une étrange capacité d’immensité : mer, nuit, jour, bien, mal, mort, oui, non, Dieu, etc.


 

Victor Hugo.

Le son OM est un mantra. Mais le son OM n’est pas un mantra comme les autres : il est le Mantra Universel. En effet, il est connu universellement comme la synthèse de tous les mantras, le Maître-mantra. « Tous les mantras contiennent le mot AUM, aux yeux des hindous le plus sacré des vocables humains, qui est admis par toutes les écoles et toutes les sectes comme représentant le divin sous quelque aspect qu’on puisse le concevoir. [9]»

 

Si les mantras sont les rayons, le son OM est le centre de la sphère, leur point commun. Si les mantras sont les couleurs de l’arc en ciel, le son OM est la lumière blanche. C’est pour cela que, bien que le son OM n'ait pas de sens spécialement défini, on peut l'associer aux notions d'Unité, de Totalité, d'Absolu et de Perfection. Il est au-delà de toute division possible. Swâmi Vivekânanda disait : « Il y a dans l’Inde une théorie d’après laquelle il aurait existé une langue primitive tout à fait naturelle, appelée devavâni (voix divine)  qui aurait été celle des grands maîtres, mais qui, ensuite, toujours davantage modifiée, en serait arrivée à former les différents langage. La plupart des mots de cette langue céleste originale se seraient mélangés ou auraient été perdus, mais il en resterait quelques-uns encore. Aum est l’un des plus grands qui nous restent et il signifie Dieu. » OM est antérieur, supérieur et en amont de la tour de Babel.

 

Le son OM n'est pas lié à une divinité particulière. Au contraire, il représente la synthèse de toutes les aspirations à l'unité, la synthèse de tous les visages de Dieu. Il est le Nom (caché) de Dieu. Il est le point commun à toutes les religions, la prière commune à toutes les religions, leur point d’origine, d’unité et de réintégration, l’alpha et l’oméga[10]. Si le phénomène religieux est un diamant, chaque religion est une facette de ce diamant. Chaque religion est un angle de vue différent sur le même diamant. Une vision de l’Absolu marquée par son contexte culturel, par son histoire. Le Mantra Universel OM relie l’être humain à la totalité du Diamant d’Unité, au-delà de toute division.

 

Swâmi Vivekânanda disait : « Le commentateur dit que le mot qui manifeste Dieu est « Aum ». Pourquoi donne-t-il tant d’importance à ce mot ? Il y a des centaines de mots qui désignent Dieu. Une même pensée se rattache à des milliers de mots. L’idée « Dieu » est rattachée à des centaines de mots, dont chacun est un symbole de Dieu. Fort bien ! Mais entre tous ces mots on doit pouvoir établir une sorte de généralisation ; on doit trouver à tous ces symboles un même substrat, une base commune. Ce qui est le symbole commun à tous sera le meilleur et les représentera vraiment tous…Nous voyons qu’autour de ce mot  Aum se sont rassemblées toutes les conceptions religieuses différentes de l’inde ; toutes les idées religieuses diverses de Védas se sont réunies autour de ce mot Aum. En quoi cela intéresse-t-il l’Amérique, l’Angleterre ou un pays quelconque ? Simplement en ceci que le terme a été conservé à toutes les étapes du développement religieux dans l’Inde, qu’on l’a employé pour désigner toutes les conceptions diverses se rapportant à Dieu. Les monistes, les dualistes, les mono-dualistes, les séparatistes et même les athées se sont emparés de cet Aum. Aum est devenu le symbole unique des aspirations religieuses de la grande majorité des êtres humains. Prenez par exemple le mot Dieu. Il ne joue qu’un rôle limité ; lorsque vous désirez aller au-delà, il vous faut ajouter des adjectifs pour le rendre Personnel, ou Impersonnel, ou Absolu. Il en est de même des mots qui désignent Dieu dans toutes les autres langues ; leur sens est très borné. Le mot Aum, par contre, est entouré de toutes les significations, et comme tel, il devrait être accepté par tous

 

Qui dit religion dit prière. On doit bien constater que, depuis des millénaires, les religions de l'humanité, dont le rôle est de ramener, par la prière, l'être humain à l'unité originelle, souffrent toutes de divisions et d'oppositions, et sont toutes devenues des générateurs de dualité, de guerre et de souffrance. On doit bien aussi déplorer que si toutes les religions parlent de prière et d’unité, paradoxalement elles ne se sont jamais mises d'accord sur une prière commune. Tout comme les couleurs de l’arc-en-ciel ont une origine commune, la lumière blanche, les religions de l’humanité ont aussi une origine commune : le principe divin. Le son OM, par sa profondeur, par sa simplicité et sa totale accessibilité à tous, est naturellement la formule d'unité entre les hommes, les peuples, les religions. Le son OM est leur fréquence commune. S’établir dans le OM, c’est se mettre au diapason, c’est s’offrir la possibilité de trouver l’accord avec les autres et la Nature. On retrouve le OM dans l'AMEN des juifs et des chrétiens et dans l'AMIN des musulmans. On pourrait bien imaginer que les dévots de chaque religion consacrent du temps à leurs propres prières, mais aussi à la prière commune, oeuvrant ainsi au rapprochement entre tous les courants religieux. Ils affirmeraient ainsi, en acte, leur désir d'unité. Et l’on peut très bien imaginer, dans le contexte mondial actuel, le recteur d’une mosquée pratiquant cette prière d’unité en compagnie d’un rabbin, d’un prêtre, d’un yogi. Si les idées, les concepts, les interprétations, les confessions, les traditions opposent et divisent, la pratique du Mantra Universel OM unit les différentes traditions et établit progressivement entre elles tous les ponts nécessaires à leur accord et à leur compréhension mutuelle.

 

Les chrétiens qui voudraient en savoir davantage sur ce mantra pourraient s'inspirer de ce qu'en dit Henri Le Saux, à la fois moine dominicain et swâmi hindou, dans son livre : "Eveil à soi, éveil à Dieu"[11]. Ce grand mystique présente ainsi le Mantra universel : "OM est le Mot primordial que Dieu prononça en créant. OM est Vâg, la Parole éternelle. OM est le début de toute la manifestation de Dieu. OM est à l’origine de l’univers." Plus loin, il ajoute : "OM est ce qui est d'abord entendu par l'homme quand Dieu, sortant de son silence éternel commence à lui parler. OM est aussi le dernier son que l'homme est capable de proférer quand, répondant à l'appel de l'Esprit, il se laisse introduire dans le silence de Dieu." Faisant référence à la Parole, au Verbe de Dieu, il poursuit : « Aussi justement, pouvons-nous reconnaître dans OM la Parole qui procède éternellement du silence du Père, pour reprendre le mot du bienheureux Ignace d’Antioche (Lettre aux Magnésiens, 8). C’est en cette Parole même faite chair, esprit et mot d’homme en Jésus-Christ que montent vers le Tout-Puissant toutes nos prières et toutes nos adorations…OM est toujours d’abord le symbole de l’ineffabilité de Dieu, le dernier échelon de notre montée vers lui, au plan de ce qui est exprimable. « C'est l'étai dernier, c'est l'étai le plus haut ; qui le connaît atteint le brahman.»         (Katha-upanishad, 1.2.17.) »

 

Dans le contexte chrétien orthodoxe[12], on connaît bien une pratique de répétition du Nom de Dieu, la « prière du cœur », pratique de base des moines du Mont Athos. Les Soufis[13] recherchent la communion mystique avec Allah et utilisent aussi la répétition incessante de son nom (le dhikr). Dans le catholicisme il y a une coutume qui est celle de la répétition des « mille Jésus ».

 

Ce serait une erreur de penser que le OM est un produit oriental destiné à n’être connu que des seuls orientaux. Le OM ne peut pas être limité ainsi. Le OM a réellement une dimension universelle. Il est tout autant « occidental » qu’ « oriental », sans être ni l’un ni l’autre. Il fait partie du patrimoine de l’humanité entière. On peut dire que si ce sont les orientaux qui le connaissent le mieux, c’est que la spiritualité orientale se caractérise par son orientation vers le Dieu Immanent (intérieur) quand l’Occident s’adresse plus au Dieu Transcendant, qui lui permettait de reconnaître plus facilement l’apport fondamental des mantras et du OM en particulier. Mais comme le font bien sentir les maîtres spirituels orientaux, et en particulier Swâmi Vivekânanda : « Aum est devenu le symbole unique des aspirations religieuses de la grande majorité des êtres humains… et il devrait être accepté par tous»[14]

 

Un autre grand connaisseur occidental de la spiritualité hindoue, Jean Herbert, dit : « A de très rares exceptions près, tous les maîtres spirituels attachent une importance considérable, à titre accessoire tout au moins, à cette répétition obstinée du nom de Dieu (japa) qui nous paraît, à première vue, un exercice ridiculement rudimentaire pour le développement spirituel. Shrî Râmakrishna n’hésitait pas à dire : « Dieu et son Nom sont identiques », et il précisait : « Lorsqu’on en arrive à croire à la puissance du Saint Nom de Dieu, et qu’on se sent disposé à le répéter constamment, ni discernement, ni exercice de piété d’aucune sorte ne sont plus nécessaires. Tous les doutes sont apaisés, l’esprit devient pur, Dieu lui-même est réalisé par la puissance de Son saint Nom ». Des hommes d’action, comme Vivekânanda et Gandhi, dont la puissance nous paraît parfois difficilement explicable, rendent un pieux hommage à ce qui fut pour eux la répétition du saint Nom : « La gloire du nom de Dieu, a écrit Gandhi, ne peut être prouvée ni par le raisonnement ni par l’intellect ; on ne peut en faire l’expérience que par la vénération et la foi.» Swâmi Brahmânanda écrivait : « Les mantras ont de nos jours autant de pouvoir que jamais. » Beaucoup de sages – Swâmi Râmdâs en est à notre époque un exemple frappant – sont arrivés aux plus hauts paliers de la réalisation spirituelle par la pratique exclusive du japa. Peu de temps avant la guerre, une grande revue hindoue en langue anglaise, le Kalyana Kalpataru, lançait dans toute l’Inde un pressant appel à répéter le Nom de Dieu le plus de millions et de milliards de fois possible pour écarter la lourde menace qui pesait sur le monde. Plus encore, beaucoup de grands sages hindous déclarent que le japa constitue la discipline religieuse et spirituelle la mieux appropriée à l’époque dans laquelle nous vivons. [15]»

 

Les mantras sont une réalité. Ils existent. Ils sont des instruments de vie intérieure remarquables. Le Mantra Universel est une réalité supérieure. C’est un cadeau pour l’humanité. C’est une chance. C’est un outil de transformation personnelle et collective directement disponible. C’est un soleil à côté duquel le soleil que nous connaissons paraît noir. La pratique de la concentration sur ce support si simple, accessible à tous, quels que soient l'âge, le niveau d'instruction, la catégorie sociale, apporte des bienfaits inestimables à celui qui l'expérimente ainsi qu'à son entourage. Le son OM étant Unité (ce que les Chinois nomment le TAO), il contient en lui les deux pôles Yin et Yang de la dualité. Il sert de pont entre les deux et permet leur rééquilibration. Il est le Yin suprême et le Yang suprême. Chacun pourra y puiser ce dont il a besoin. Son action est celle de l'axe central du caducée, ce symbole universel de la guérison et de l’harmonisation. C’est cette guérison, ce saut évolutif dont nous avons tous besoin ; l’introduction du son OM dans notre réalité ordinaire permet cette infusion de l’Unité, non ordinaire, dans la dualité bien limitée et problématique de nos vies.

 

Le son OM a l’effet sur l’être humain que le baiser du Prince a sur La Belle au Bois Dormant. Un effet de réveil, de rédemption.

 

Le son OM est à l’être humain ce que le soleil est au fruit. Il est le moteur principal de sa transformation, de sa maturation et de sa perfection.

Mantra Universal

 

La pratique du Japa du OM

Le Mantra Universel est représenté par un symbole   , qui correspond à son écriture en sanscrit. Beaucoup de gens ont déjà vu ce symbole, sans pour autant savoir à quoi le rattacher. En cette époque où les tatouages font fureur, il arrive même que certaines personnes se fassent tatouer ce symbole, parce qu’ils le trouvent beau, sans savoir qu’il s’agit du Mantra Universel. La Tradition considère que le mot écrit, le symbole, est lui aussi chargé d’une énergie particulière. Il est donc recommandé d’avoir dans son oratoire ce symbole. Il facilitera le travail intérieur.

Un mantra, toujours selon la Tradition, doit, pour être efficace, être déposé par un Maître en son disciple, comme une graine dans un terrain propice. La charge du disciple est d’arroser, de cultiver, de faire croître cette graine par sa pratique quotidienne jusqu’à ce qu’elle soit devenue un arbre immense. Dans ces conditions, vu l’extrême rareté des authentiques maîtres, on serait en droit de s’inquiéter quant à la transmission du OM. En réalité, il n’y a pas lieu de se préoccuper : tous les êtres humains et les règnes de la Nature ont reçu ce joyau. Le OM a été déposé en chacun, dans le cœur et la tête de chacun. Il est déjà en chacun des êtres vivants. Il est bon de le savoir. Ainsi chacun est dépositaire d’un trésor en lui, qu’il peut décider de faire fructifier dès à présent. Il n’est pas nécessaire d’attendre de rencontrer un Maître pour commencer à œuvrer. En tout cas, le fait de n’en pas avoir connu consciemment n’est pas une excuse pour remettre au lendemain la pratique du japa du OM. Inversement, toute personne qui commencerait à pratiquer se mettrait progressivement en état de rencontrer et surtout de reconnaître (ce qui n’est pas le plus facile) un authentique Maître. La répétition du Mantra OM permet le contact avec le Maître Intérieur ; elle permet l’accès aux mondes supérieurs, et prépare le disciple au contact éventuel avec un maître extérieur.

[1] ASSAGIOLI Roberto. Psychosynthèse. Principes et techniques. Epi, Paris, 1983, p 62.

[2] Cité par Jean Herbert in HERBERT Jean. Spiritualité hindoue. Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris, 1972, p 132.

[3] PADOUX André. Mantra. Encyclopædia Universalis, CD-ROM, 2002.

[4] HERBERT Jean. Spiritualité hindoue. op. cit., p 452.

[5] BLOFELD John. Les mantras ou la puissance des mots sacrés. Dervy-Livres, Paris, 1985, p 20.

[6]  BLOFELD John. Les mantras ou la puissance des mots sacrés. op. cit., p 36.

[7] MICHON Micheline. L’homme, cet ordinateur inspiré. Op Cit.

[8] « L’intellect luciférien a usurpé la place de l’esprit créateur…” in PERROT Etienne. JUNG (Carl Gustav) 1875-1961. Encyclopædia Universalis, CD-ROM, 2002.

[9] HERBERT Jean. Spiritualité hindoue. Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris, 1972, p 452.

[10] « Om est l’alpha et l’oméga. Origine sonore du monde (verbe créateur), om est en même temps sa plénitude essentielle : lorsque la durée du cycle cosmique sera révolue, l’univers phénoménal se résorbera en un « point d’énergie sonore », à savoir le phonème om, qui, de ce fait, mérite le nom du Verbe éternel ; ensuite, après une période d’équilibre, un autre univers se déploiera à partir du même son (en sanskrit, nada ou sabda), qui n’est autre que le brahman (l’absolu, l’essence) lui-même. On sait, d’autre part, que le salut individuel, selon l’hindouisme, est la délivrance de l’âme (l’Atman) des liens de l’existence et son retour à l’absolu (le brahman), donc à om. Ainsi ce phonème est-il véritablement « le commencement et la fin », le point d’origine et le point d’aboutissement où les âmes sauvées réalisent leur vraie nature. » VARENNE Jean. OM. Encyclopaedia Universalis. CD-ROM, 2002.

[11] LE SAUX Henri. (Swami Abhishiktananda) Eveil à soi, Eveil à Dieu. Essai sur la prière. O.E.I.L., Coll. Les deux rives, Paris, 1986, p 124.

[12] Récits d’un pèlerin russe. Traduits par Jean Laloy. Points Sagesse Seuil, Paris, 2004.  et Petite philocalie de la prière du cœur. Traduite et présentée par Jean Gouillard. Seuil, Coll. Livre de vie, Paris, 1968.

[13] Soufis : mystiques musulmans

[14] VIVEKANANDA Swâmi. Les Yogas pratiques. Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris, 1970, p 460.

[15] HERBERT Jean. Spiritualité hindoue. op. cit., p 456.